La voix de l'Afrique
Myriam Makeba, la voix des opprimés
Je voudrais honorer cette femme ! Pas parce que j’en suis une,
mais simplement parce que cette personnalité et ce qu’elle a représenté pour
l’Afrique, mérite qu’on s’y intéresse. Sa vie, son parcours, son œuvre, ses combats, ses distinctions sont autant
d’éléments qui nourrissent et enrichissent encore l’histoire de notre cher continent.
Le 4 mars 1932, un couple, un
instituteur et une domestique accueillent dans le creux de leurs bras, un
nouveau-né ! Une enfant vient de voir le jour à Johannesburg, en Afrique
du Sud. Très tôt, la petite se découvre une passion, la musique,
et chante aussi bien dans la chorale de son église que dans l’orchestre de son
école. Alors qu’elle n’a que 16 ans, elle est contrainte d’arrêter d’aller en
classe à cause de l’apartheid. Elle enchaîne alors les petits boulots :
femme de ménage, puis bonne pour enfants, ou encore laveuse de taxi. Elle
rencontre alors les Cuban Brothers et intègre le groupe en tant que chanteuse.
C'est là que lui sera donné son nom de scène.
Miriam Makéba, de son vrai nom
Zenzile Makeba Qgwashu Nguvama. « Mama Africa ». « La voix de
l’Afrique ». « La voix de la lutte contre l’apartheid ». Tous
ces surnoms lui vont comme un gant et ont construit sa réputation en Afrique et
bien au-delà !
En plein régime de l’apartheid,
en 1947, les nationalistes afrikaners gagnent les élections et plongent
le peuple noir dans l’arbitraire et la violence. Armée de ses convictions, de sa
voix et des paroles de ses chansons, notamment de « Pata Pata » le premier
hit planétaire du continent africain qui est l’expression de son combat contre
le système de discrimination instauré dans son pays, Miriam Makéba va gêner, déranger.
Contrainte à l’exil durant 31 longues années, elle ne pourra assister ni aux
obsèques de sa mère morte de chagrin, ni à celles de sa fille décédée des
suites d’un accouchement difficile. Elle ne cessera pas, pour autant, de
prononcer des discours anti-apartheid et ira appeler au boycott de l’Afrique du
Sud devant l’Assemblée Générale des Nations Unies.
Ses mélodies portent des notes de
tolérance et de paix. Dans ses chansons, pas d'amertume mais une dignité à
toute épreuve. Elle vit partout, libre mais traquée, aux Etats-Unis, en Guinée,
en Europe. Et devient le symbole de la lutte anti-apartheid. Elle ne reviendra
en Afrique du Sud qu'à la libération de Nelson Mandela, lui aussi pionnier de
la lutte contre l’apartheid. Elle dira : « Cette liberté est merveilleuse. Mais
il y a encore tellement à faire : éradiquer le racisme et plein d’autres
fléaux. »
Sa renommée aura ainsi dépassé les frontières que voulait
l’apartheid pour elle et ses frères de couleur.
En 1992, elle participe à
« Sarafina », une comédie musicale qui raconte les émeutes de Soweto
de 1976. Elle use de sa notoriété pour diffuser des messages de paix et
exhorter son peuple au pardon : « Il faut nous laisser grandir » dit-elle. « Les Noirs et les Blancs doivent apprendre à
se connaître, à vivre ensemble. » Première femme africaine à recevoir un Grammy Award, Mama Africa
a été aussi décorée par la France au titre de Commandeur des Arts et Lettres en
1985 avant de devenir Citoyenne d’Honneur du même pays en 1990.
Le 16 octobre 1999, Miriam Makéba a été
nommée Ambassadrice de bonne volonté de l’Organisation des Nations Unies pour
l'alimentation et l'agriculture (FAO). Elle s’est également impliquée dans le
mouvement de lutte pour les droits de la femme ; elle a aussi pris une
part active à la plupart des campagnes de communication contre la faim
organisées par l’agence de l’ONU.
Mais toute histoire a une fin ! Celle sur terre de Mama
Africa a pris fin le 9 novembre 2008. Marie Claire Blais disait : « Jamais
la mort ne sera aussi belle que la vie que l’on a perdue ». Je dirai
simplement que la célèbre chanteuse noire Sud-africaine à la voix si
particulière, s’est éteinte, l’arme à la main telle une guerrière, en plein
concert de soutien à Roberto Saviano, un auteur menacé de mort par la mafia.
Miriam Makéba, femme «d'une simplicité formidable», fut la première star internationale africaine. Elle a su mélanger des musiques différentes bien avant que l'expression «world music» ait été inventée. Elle a combattu la violence, l’inégalité et la maladie ; tous des maux qui condamnent tant de personnes, particulièrement les femmes et les enfants, à vivre dans des conditions de pauvreté extrême. Son énergie et son souci respectueux des plus vulnérables nous manqueront. Oui, c’est ainsi ! Parce que des années après sa mort, la voix de celle qui dédia sa vie à la lutte contre les injustices résonne encore comme un écho à la parole des opprimés.
Texte de Hermine AKPONNA, Journaliste Animatrice, Toastmaster Eloquentia
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